Les rituels de beauté berbères : un secret bien gardé, transmis de femme à femme
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Depuis que je m'intéresse au tatouage berbère, je suis fascinée par la beauté des femmes qui le portent mais aussi par la qualité de leur peau ! Tous ceux qui ont croisé ces femmes âgées dans les villages d'Afrique du Nord s'accorderont pour dire à quel point leur peau était lisse et belle à tout âge ! Depuis des générations, des rituels de beauté sont transmis uniquement par les femmes, de mère en fille, de grand-mère en petite fille ou d'amie à amie... Pour cet article, nous avons invité Daïa et Torkia, les créatrices de l'Instant Berbère, pour nous parler des rituels de beauté amazighs transmis par leurs grand-mères. Daïa nous raconte tout dans cet article !
#1 Ideqqi - Le rituel de l'argile pour faire le plein de vitamines
Lorsque ma grand-mère Hamama se rendait au champ pour s’acquitter de ses travaux agricoles, elle avait pour habitude de s’arrêter sur le chemin à un endroit bien précis. Toujours le même. Elle y puisait de la terre qu’elle mangeait, avec discrétion. Une terre rouge brique, une sorte d’argile...
Un rituel qu'elle n’est pas seule à accomplir car beaucoup de femmes du village passaient également par là pour effectuer ce geste apparemment coutumier. Une espèce de cérémonial féminin et qui laissait perplexe le petit garçon qui l’accompagnait, mon père. Lui ne comprenait pas pourquoi toutes ces femmes, sa mère y compris, consommaient de la terre. Cette dernière n’a jamais voulu satisfaire sa curiosité et ce n’est pas faute de lui avoir demandé des explications. Au fond, elle-même ne savait pas vraiment pourquoi elle allait, machinalement, prélever sa ration d’argile. Elle avait vu faire d’autres femmes et, avant elles, d’autres encore, procéder à ce geste.
Intuitivement, elle sentait qu’elle en avait besoin... Besoin de fer, de sels minéraux, dont cette terre est incroyablement riche…
#2 Tazult - Le Khôl pour sublimer le regard
"Gidam Torkia fabriquait le meilleur khôl du monde ! " me dit toujours ma mère. Mais alors comment faisait ma grand-mère pour créer cette fine poudre qui sublimait les yeux des femmes de la famille ?
Tout commence par l'achat de la matière première chez ce vieux commerçant ambulant qui passait régulièrement par le village pour vendre toutes sortes de produits : des coquillages contre le mauvais œil, des herbes pour purifier la maison contre les sorcelleries (isefsagh)…
Et aussi les fameuses pierres qui lui permettaient de créer son Khôl : 1 pierre bleue (lazurite), 1 pierre grise (antimoine) et 1 pierre noire (probablement du bois brûlé). Les pierres noire et grise étaient tout d'abord trempées dans de l'huile d’olive chaude. Ce graissage permettait en effet d'avoir une application plus douce et plus résistante.
Ensuite, à l'aide d'un pilon, toutes les pierres étaient réduites en poudre individuellement. Le tout passait alors au tamis, le plus fin possible. Parfois, ma grand-mère utilisait même son foulard (amendil) pour obtenir des poudres extrêmement fines.
En dernière étape, Gida Torkia réalisait un mélange justement dosé pour obtenir un joli résultat bleuté. Car en effet, dans notre famille et plus généralement en Kabylie, on préfère cette couleur plus douce au noir intense que l'on retrouve plus souvent dans le khôl. La poudre ainsi obtenue, délicatement déposée à l'aide d'un petit bâton, ornait merveilleusement les yeux de ma mère et de ses amies !
#3 Henni - Le Henné pour sublimer les cheveux
Ma grande tante, qu'on appelait affectueusement "Hebbu" (chérie), vivait avec ma grand-mère maternelle (sa sœur) dans une maison typiquement kabyle et toute bleue. J'en ai d'ailleurs un merveilleux souvenir.
Les deux sœurs avaient partagé de façon millimétrée les tâches du quotidien. L'une s'occupait des travaux à l'extérieur et l'autre de l'intérieur de la maison.
Hebbu était donc ce qu'on pouvait appeler "une femme des champs". Pour autant, elle ne négligeait pas son apparence. Loin de là. Son principal rituel de beauté était l'application du Henné sur sa longue chevelure noire. Elle se procurait la fameuse poudre colorante auprès de ce commerçant ambulant habitué du village.
Avant de l'appliquer, elle y ajoutait de l'eau ainsi que des clous de girofle, dont on connait les bienfaits pour le cuir chevelu. Elle y ajoutait également des feuilles de noyer qui avaient pour effet de foncer la couleur.
Une fois la mixture prête, elle la posait minutieusement sur ses cheveux, tête renversée, en commençant par la nuque pour remonter jusqu'aux pointes. Hebbu a continué de pratiquer ce rituel de beauté jusqu'au crépuscule de sa vie. Ses cheveux sont d'ailleurs restés étonnement foncés malgré son âge avancé !
Et vous ? Quels rituels de beauté avez-vous adopté ? Dites-nous tout en commentaire !